vendredi 8 janvier 2016

Dans les pas de Philippe Seguin : un joli hommage

Je suis dans la période « recopiage ». Aujourd’hui, je recopie le très bon papier de Xavier Bertrand et Gérard Darmanin dans le Monde, qui rendent hommage à Philippe Seguin.
Le papier s’appelle « Dans les pas de Philippe Seguin ». Et je le trouve très bon (Xavier Bertrand, et le papier).

« Le hasard c’est Dieu qui se promène incognito » disait Einstein. Et le hasard a voulu, sans doute par malice, que Philippe Séguin quitta la vie, un 7 janvier, là où, quinze ans plus tôt, François Mitterrand quitta la sienne un 8 janvier.
 
Des esprits attachés aux symboles et aux « explications » des coïncidences y verront sans doute comme un ultime signe de respect du gaulliste social total qu’était le maire d’Epinal envers celui contre lequel il n’avait pas voulu utiliser la violence minimum que doit contenir le débat politique, lors d’un échange, que l’on peut, sans se payer de mots, qualifier d’historique. Un certain 3 septembre 1992, en pleine campagne relative au référendum sur le traité de Maastricht, l’incarnation du « Non » gaullien à l’européanisation technocratique était bien sage, bien poli, bien respectueux, de ce président, touché par la maladie, mais toujours redoutable débatteur.
 Ce jour-là, Séguin n’a pas su s’imposer. On l’a dit ému et touché par ce président byzantin, manifestement à bout de forces physiques face au cancer. Pourtant, il avait, comme à son habitude, énormément travaillé, beaucoup écrit, intensément répété. Depuis plusieurs mois il ciselait son argumentation, implacable. Point d’orgue : la démonstration, longue, passionnante et tellement prémonitoire, dans son discours devant l’Assemblée Nationale, le 5 mai 1992, où il a défendu, dans un français parfait, son exception d’irrecevabilité déposée contre la révision constitutionnelle. 
Pour adopter Maastricht et sa cohorte d’articles incompréhensibles, il fallait changer la Constitution. La doxa ambiante était impérieuse : personne ne peut s’opposer au sens de l’Histoire, c’est-à-dire à Maastricht. Mitterrand avait été clair : personne n’aurait de responsabilité importante - y compris en cas de cohabitation… 1993 était bientôt là - s’il ne votait pas ce traité qui faisait rentrer l’Europe, on le sait aujourd’hui, dans les chimères fédéralistes où les nations sont désincarnées. Alors personne d’important ne s’y opposa, même si la base du RPR - et on le découvrit ensuite du pays - était loin de l’unanimité factice des penseurs et des politiques.
 Alors Philippe Séguin s’opposa. Cela ne devait pas lui déplaire, à ce député pupille de la Nation, aux colères prométhéennes et au visage de grognard bonapartiste, d’être, seul contre tous, celui qui dit « non », d’être celui qui défend l’honneur de la nation, de la souveraineté, du gaullisme. Séguin a perdu : Maastricht a été adopté. Mais Séguin avait raison sur son analyse. Une victoire post-mortem.
 
Le message de Séguin c’est que la France se gagne au peuple. Elle ne se gagne ni avec les élites, ni avec les recettes des agences de notation et des structures internationales. La France ne se découpe pas en sondages, en affinités, en clientèle. La France a besoin d’être écoutée, elle a besoin de dirigeants sincères, humbles, courageux. La France se moque de respecter les soi-disant « sens de l’Histoire », car la France, quand elle est elle-même, c’est elle qui fixe l’horizon et qui contribue à donner le « la » au monde.
  
2007 a aussi, finalement, été une campagne séguiniste : le travail et l’autorité, la méritocratie et le respect de la règle, l’effort et la nation. Dommage que comme toujours, après de si belles campagnes, de si belles promesses, de si grands espoirs, tous nos dirigeants gouvernent en conservateurs quand ils devraient diriger en gaullistes. 
De là où il est, Philippe Séguin doit avoir tant de regrets, lui qui avait tant d’exigence et d’ambition pour son cher et vieux pays.

2 commentaires:

  1. Beau texte sur un homme que j'ai admiré en son temps.
    Je me console difficilement d'avoir dit oui à Maastricht.

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    1. Salut Estelle,

      J'ai aussi trouvé le texte très beau et très touchant. De la part de deux hommes que je trouve brillant. Mais en ce moment, je suis assez dithyrambique vis à vis de Xavier Bertrand (que je regarde en ce moment sur France 5), et je trouve qu'il a pris trois classes de plus en un rien de temps.

      Sur Maastricht, j'avais 15 ans à l'époque, et c'était mon premier truc politique. Là où je me suis intéressé à la chose politique. J'avais la position de mes parents, voter "pour" pour ne pas casser la construction européenne, et souhaiter un petit score en espérant que les dirigeants ne prendraient pas la victoire pour un chèque un blanc. C'est ce que l'on a eu.

      Aujourd'hui, je me dis que je voterais pour Maastricht. J'aurais voter contre Amsterdam par contre, et j'avais voté contre la constitution...

      Mais je pense qu'il ne faut pas regretter ses votes. Surtout quand on voit ce que nos gens là haut en font...
      Console toi vite chère Estelle :-)

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